Opération Opium (titre original : Poppies Are Also Flowers ou Danger Grows Wild, 1966) avait tout pour rester dans les mémoires. Jugez-en par vous-même : un film réalisé par Terence Young, sur un scénario (entre autres) d’Ian Fleming, donc un produit signé par les pères de James Bond. Et surfant sur le succès engendré par les aventures de l’agent secret britannique. Petit rappel historique : nous sommes en 1966 après le succès planétaire de 007 survenu avec James Bond contre Dr. No (1962), Bons baisers de Russie (1963) et Opération Tonnerre (1965) du même Terence Young ainsi que Goldfinger (1964) de Guy Hamilton.

Cela étant dit, le film vaut surtout pour un casting international 5 étoiles impressionnant : Yul Brynner, Omar Sharif, Marcello Mastroianni, Rita Hayworth, Angie Dickinson, Eli Wallach, Stephen Boyd, Howard Vernon, Grace Kelly, des acteurs connus à l’époque et ayant œuvré dans une multitude de films à succès tels que Ben Hur ou La chute de l’empire romain (Trevor Howard, Senta Berger, Gilbert Roland, Hugh Griffith ou encore Jack Hawkins) ainsi que le chanteur Trini Lopez jouant son propre rôle !

# Une production 100 % onusienne

Cependant, Opération Opium n’a pas connu le succès escompté lors de sa sortie en salles tant auprès de la critique que du public, ni même un semblant de notoriété par la suite. Mais il est resté cependant dans les mémoires pour une raison bien particulière : il s’agit d’un film réalisé sur commande, initié et financé (et non sponsorisé donc nuance !) par l’Organisation des Nations Unies (ONU).

Résumons tout d’abord l’intrigue : suite au décès d’un espion œuvrant contre le narcotrafic, deux agents sont envoyés par l’ONU en Iran afin de participer à une opération internationale dont le but est de démanteler un gros trafic d’opium.  A la base, Opération Opium devait être un téléfilm faisant partie d’un projet plus large initié par l’ONU et englobant une série d’autres productions se rapportant aux activités de l’organisation internationale. Pour le journaliste Philippe Lombart*, l’origine du projet remonte à 1963 lorsque l’ambassadeur américain à l’ONU se fait huer par des activistes contre l’organisation mondiale alors qu’il prononce un discours à Dallas. Cet événement lui donne l’idée de mettre en place un projet de films destiné à faire comprendre ce qu’est l’ONU. Trois « téléfilms » verront le jour (Caroll for another Christmas de Joespeh L. Mankiewicz ; Who has seen the Wind de George Sidney et Once upon a Tractor de Leopoldo Torre Nilson). Le « film » de Young reste le plus important du lot puisqu’il sortira finalement en salles et non directement à la télévision. Un détail important confirme la nature engagée du projet : le cachet des superstars s’élevait seulement à 1 dollar symbolique ! Young de son côté travailla gratuitement.


Ouvrons une petite parenthèse et mentionnons que cette initiative – plutôt rare dans le monde du cinéma et de la télévision – n’est pas sans rappeler la démarche entreprise par l’ONG Médecins du Monde qui en 1988 a initié 6 téléfilms (diffusés sous le titre « Médecins des hommes » et malheureusement inédits en DVD) mettant en scène les activités humanitaires de l’organisation. Certains ont été réalisés par des cinéastes de renommée comme Alain Corneau avec Afghanistan, le pays interdit ; Maroun Bagdadi avec Liban, le pays du miel et de l’encens ; Yves Boisset avec Les Karen, le pays sans péché et Jaques Perrin avec Mer de Chine: Le pays pour mémoire[1]. De plus la plupart des interprètes sont des acteurs français de premier rang tels Michel Blanc, Richard Bohringer, Bruno Crémer, Fanny Ardent, Jacques Perrin, Jane Birkin, Robin Renucci, Marie Trintignant et même Bernard Kouchner ! Bref, la même technique utilisée par l’ONU. 

# Un film doté d’une mission de service public international

A la base, Opération Opium veut être un film éducationnel vantant les mérites de l’ONU dans le domaine de la lutte contre la drogue et le narcotrafic. En tout état de cause, un film bien engagé voire selon Philippe Lombard un « film de propagande ». Mais cette fois c’est une propagande plutôt internationale puisque émanant d’une organisation internationale et non nationale comme c’est souvent le cas. 

Lors du tournage, Terence Young était face à un dilemme épineux : faire un produit avec des ingrédients bondien à 100 % lui qui s’y connait bien en la matière ou plutôt un film sur l’ONU donc un film se voulant plus réaliste ? Le résultat finalement est un étrange mélange des deux. Le fonctionnement de l’ONU d’un point de vue technique et bureaucratique n’est à aucun moment mis en scène. C’est à travers les aventures des deux agents (experts ? fonctionnaires ? on s’en fout bien évidemment, l’important c’est de savoir qu’ils font partie de l’ONU !) en matière de lutte contre la drogue que le rôle de l’organisation transparaît et on a droit même à une scène montrant le palais de la paix de l’ONU à Genève. Donc on veut vanter les mérites et l’action de l’ONU, être réaliste (on est, dans une certaine mesure, loin de l’univers glamour et sexy de James Bond par rapport aux deux agents un peu Monsieur tout le monde) mais aussi faire un film rentable avec une petite dose d’exotisme et d’aventures à la Bond !

Ceci dit, Opération Opium a été commercialisé à l’international comme un film d’aventure et non comme un film à but éducationnel sur l’ONU. Il suffit de voir les différentes affiches du film bien axées « films d’aventure et d’espionnage ». De plus, on n’est pas pour autant très loin de l’univers bondien. Comme cette scène de catch féminin qui ne peut que rappeler la fameuse scène de lutte entre gitanes dans Bon baisers de Russie, le côté assez sympathique des agents, les diverses destinations cartes postales du film (l’Iran, l’Italie, Nice, Monaco), la phase finale se déroulant dans le train (vous avez encore dit Bon baisers Russie ?), les très belles femmes, et surtout le bras droit du méchant très bondien puisqu’il ne s’agit que de Harold Sakata, l’inoubliable et mythique Odjob dans Goldfinger, non armé cette fois de son chapeau guillotine (mais au moins il parle !).

L'imposant Harold Sakata

Outre un film sur l’ONU, Opération Opium est un pamphlet contre la drogue, traité de manière plutôt manichéenne : les autorités des Etats évoqués sont plutôt du bon côté et les trafiquants du mauvais côté. Le film en ce sens regorge de scènes assez moralisatrices. La plus emblématique reste sans aucun doute celle où nos deux agents visitent une prison de toxicomanes où ces derniers sont représentés comme des bêtes en cage. De plus, le film est introduit par Grace Kelly avec un monologue anti-drogue ! Précisons finalement qu’on n’atteint tout de même pas le degré des films américains d’exploitation des années 50 dit de « drugsploitation » montrant de manière grotesque les effets néfastes de la drogue et où les toxicomanes sont des psychopathes de la pire espèce.

# Un film s’inscrivant dans le contexte géopolitique de l’époque 

D’un point géopolitique, le film vante les mérites d’une politique mondiale orientée vers la coexistence et la coopération (policière en l’occurrence) et laquelle l’ONU joue un rôle central et fondamental dans le domaine de la lutte contre la drogue. Mais, en plus d’être un film sur l’ONU, l’Etat iranien (lieu du déroulement de la première partie du film) y est désigné sous ses meilleures heures. C’est un Etat modèle doté de compétences nationales efficaces (représenté surtout par un agent du gouvernement incarné par Yul Bryner) mais aussi coopératif sur la scène internationale en tant que membre de l’ONU (à travers son ambassadeur représenté par Omar El Sharif, la classe !). Ceci mérite d’être soulevé ne serait-ce que par comparaison à ce qui visible de nos jours surtout dans le cinéma américain. Mentionnons au passage que peu de films d’aventures ont été tournés en Iran dans les années 60 et 70 (un rare exemple reste Missile X: The Neutron Bomb Incident, 1978) car, rappelons-le, ces années ont vu pulluler sur les écrans des films d’espionnage à la James Bond surtout européens (connus sous le nom d’Eurospy) ayant lieu toujours dans des endroits dits « exotiques » pour certains tel le Liban, la Turquie, l’Egypte. Donc au vu de ses rapports internationaux, l’Iran du Shah aurait donc pu faire l’affaire (sans parler bien évidement de la Savak).

(http://www.theguardian.com/film/gallery/2015/jul/10/omar-sharif-a-life-in-pictures)

Par ailleurs, la première Conférence internationale des droits de l’homme (1969) a eu lieu deux années après la sortie du film à Téhéran. Il est donc bien évident qu’il n’est pas question de dictature et la figure despotique du Shah est tout simplement écartée. Le paroxysme est atteint avec cette scène où le Shah est carrément mentionné sans être nommé explicitement. Lors d’une discussion sur la préparation de l’opération, un officier iranien affirme en regardant un portait du Shah : « Je sais que cette une opération est justifiée, mais elle implique la participation de notre gendarmerie et un seul homme peut décider si un éventuel succès mérite de prendre ce risque ».

En plus d’une représentation efficace de la coopération entre divers sujets du droit international, la coopération avec l’Iran a été fructueuse même pendant le tournage. Par exemple, c’est l’armée nationale iranienne qui est visible. De plus, selon Philippe Lombard, il était carrément question que le Shah fasse une apparition au début avec un message anti-drogue. Preuve à l’appui de ce qui précède, le film se conclut par des remerciements des plus improbables : « Les producteurs expriment leur gratitude et leurs remerciements à Sa Majesté Impériale, le Shahanshah ; au gouvernement d’Iran ; et aux personnes de ce pays sans l’aide desquelles ce film n’aura pu être réalisé ».

(http://rarefilm.net/poppies-are-also-flowers-1966-terence-young-senta-berger-stephen-boyd-yul-brynner-crime-drama-mystery/)

En plus d’être un film sur l’ONU, Opération Opium est un film qui s’écarte de des représentations cinématographes majoritaires (anciennes comme actuelles) optant pour une vision mettant en avant le rôle de l’Etat sur la scène internationale et donc faisant abstraction du droit international. Avec Opération Opium, c’est une société internationale plus relationnelle et institutionnalisée qui prime. En gros, un film qui met bien en valeur l’évolution de la définition du droit international public non plus comme étant un droit qui « régit les relations entre Etats indépendant »[2], mais plutôt comme un droit « constitué par l’ensemble des normes et des institutions destinées à régir la société internationale »[3].


* Certaines informations relatives à la production du film trouvent leur source dans l’entretien réalisé avec le journaliste Philippe Lombard, inclus dans le bonus de l’excellente édition DVD française sorti chez Carlotta Films en 2011. 

Michel Tabbal
[1] Nous avons aussi El Salvador, le pays des quatorze volcans de Florestano Vancini et La naissance: Le pays du soleil levant de Laurent Heynemann.
[2] Cour Permanente de Justice internationale, Affaire du Lotus, 7 septembre 1927.
[3] DUPUY, Pierre-Marie et KERBRAT, Yan, Droit international public, Dalloz, 2012, p. 1.
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Le dernier numéro tant attendu de Darkness Fanzine est prêt pour le 22 décembre 2015 et vous pouvez d’ores et déjà le commander.

Ce numéro avec sa magnifique couverture a le mérite d’aborder un passionnant sujet : la tristement célèbre campagne liberticide des Video Nasties menée au Royaume-Uni sous Margaret Thatcher. Il s’agit en ce sens d’une des premières études collectives de cette envergure entreprise en langue française sur le sujet. Car le numéro dissèque et analyse tous les 72 films inclus dans la fameuse liste des « Vidéo Nasties ».

Quelques mots sur cette campagne. Au Royaume-Uni, le magnétoscope va radicalement bouleverser le monde du cinéma bis. Car, à partir des années 70, les Anglais peuvent désormais regarder des films, souvent non projetés en salles, chez soi par le biais de la VHS. Plusieurs titres, édités sans aucun contrôle, vont ainsi pulluler dans les vidéoclubs. Alertées par quelques associations familiales, les autorités vont ainsi mettre en place un régime répressif. Ils vont procéder à des saisies souvent médiatisés dans les magasins en vertu de la loi anglais de 1959 qui réprime l’obscénité. En 1983, les autorités publiques publient une fameuse liste de 72 films connue sous le nom de « Vidéo Nasties ». Gilles Penso (L’Écran fantastique), Didier Lefevre (Médusa Fanzine), Stéphane Erbisti (Toutes les couleurs du Bis), David Didelot (Vidéotopsie), Augustin Meunier (Toxic Cript), Quentin Meignant (Cinémag Fantastique), Fred Pizzoferrato (L’Écran fantastique), Sébastien Lecocq (cinemafantastique.net), Michel Tabbal (cinéma bis et droit), Albert Montagne (blog censorial), Yohann Chanoir (Historiens et géographes), Eric Peretti (Sueurs Froides), ont tous contribué à l’analyse des 72 films interdits au nom de la « moralité publique ». De plus, le numéro propose une analyse deux films interdits aux mineurs par la justice administrative : Saw 3-D et Love.

Vous pouvez commander votre numéro dès maintenant pour la somme de 11 euros seulement (178 pages) chez Sin’Art : http://www.sinart.asso.fr/darkness-16-les-video-nasties-36447.


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Après avoir brièvement évoqué l’Inquisition et la lutte à l’hérésie au XIVe siècle à travers Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud et la figure de Bernard Guy, le juge implacable et sinistre qui interroge et envoie au bûcher Salvatore (l’hérétique) et la belle sauvage (la sorcière ?) dont était tombé amoureux Adso of Melk, il est temps d’écrire quelques lignes sur le mythique et légendaire Vincent Price incarnant lui aussi l’Inquisiteur, mais cette fois-ci dans l’Angleterre de l’Époque Moderne. Ah ! L’époque moderne ! Période riche, complexe, ambivalente : l’imprimerie ne diffuse pas que la raison, mais toute sorte de superstitions et croyances dans les phénomènes les plus bizarres. Les plus éclairés pourraient croire qu’une femme urinant dans un champ est en train de l’empoisonner au nom de Belzébuth (la scène est racontée par l’oncle de Zénon dans L’œuvre au noir de Marguerite Yourcenar) ! Démonologues et chasseurs de sorcières emboîtent le pas des bâtisseurs de l’État et de l’ordre des « Nations » (c’est le début du véritable âge obscur de l’Humanité). Et parfois, l’homme de raison et de droit ne fait qu’un avec le justicier des sorcières. Parfois, ils sont la même personne. À titre d’exemple, Jean Bodin, le grand maître publiciste français, est l’auteur, au crépuscule de sa vie, d’un ouvrage sur la sorcellerie, De la démonomanie des sorciers, publié en 1580. Ces superstitions, qui ne servent souvent qu’à des fins politiques, sont le fait non seulement des classes populaires mais aussi des classes aisées. Il suffit de lire, dans la préface dans l’ouvrage de Bodin l’exposé du premier cas de sorcellerie auquel il a été confronté pour se faire une idée de la femme sorcière : une campagnarde « résistante », « révoltée », gardienne d’une culture populaire et enfin victime de la société de son temps (comme les femmes qu’on voit brûler dans Witchfinder General). Jean Bodin est amené à se prononcer, le 30 avril 1578 (il devrait être, en ce moment, procureur du roi à Laon et il avoue que c’est à cause de ce procès qu’il a décidé d’écrire son traité) sur l’accusation portée contre une certaine Jeanne Haruiller de Verberie près de Compiègne qui avait été « accusée d’avoir fait mourir plusieurs hommes et bêtes ». En somme, une affaire d’homicide, de prostitution et de viols qui se sont transformé en procès contre une sorcière. Witchfinder General rend bien ce climat de délation généralisée et de peur, et la facilité avec laquelle la justice de l’Inquisiteur sévit impunément dans les campagnes, supportée par la population locale, se nourrissant des luttes politiques au nom de la construction du nouvel ordre de la société. Si nous continuons la lecture de la Demonomanie, Bodin cite, à titre d’exemple, l’affaire d’un Curé d’un village près de Londres qui avait été accusé de sorcellerie parce qu’il avait été « trouvé saisi de trois images de cire conjurées pour faire mourir la reine d’Angleterre et deux autres proches de sa personne » (rappelons qu’avant le Witchfinder General, il y a eu en Angleterre un iconoclaste General chargé de détruire les icones réputées idolâtres). Dès lors, comment ne pas avoir à l’esprit l’oncle de Sara, le Curé accusé par les villageois d’être un « papiste » et torturé par l’assistant du Witchfinder ? Le film nous montre donc les expéditions de Matthew Hopkins, Witchfinder General, à travers l’Angleterre de l’Est, en 1645. Hopkins n’aurait que 28 ans lors de sa mort, en 1647 (il s’agirait d’une mort naturelle, causée par une maladie), ce qui contraste un peu avec l’image de cet homme mûr et sévère qu’incarne Vincent Price. À cette époque, l’Angleterre de l’Est, particulièrement puritaine, est le théâtre d’une violente guerre civile. Le film commence en effet par illustrer ces deux thèmes qui s’entremêlent : la chasse aux sorcières d’une part (la première scène, qui sert de prologue, montre la pendaison d’une femme) et la guerre qui oppose les Têtes rondes, du côté du Parlement et dirigées par Oliver Cromwell, aux Royalistes, partisans du roi Charles Ier d’autre part (dans la deuxième scène, sorte d’introduction historique, on voit la jeune Tête ronde Richard, tel un Clint Eastwood du XVIIe, tirer sur l’ennemi faisant preuve d’une adresse presque innée assez impressionnante). Suit la rencontre de Richard avec le Curé, la promesse de mariage de Richard avec Sara, l’idylle amoureux, une moins explicite scène de sexe, et puis finalement here comes the Witchfinder en compagnie de John Stearne (qui parait tout juste sorti d’un film de Sergio Leone). J’aurais bien aimé placer un morceaux des anglais Electric Wizard (I, the Witchfinder : « I’ll clean her sins, for witchcraft I condemn her... Torture, my pleasure, true servant of the dark... »), lors de son apparition, mais hélas, je ne peux pas refaire du Michael Reeves, bien évidemment !

« Do you enjoy the torture, Stearne? » (Hopkins), « And you, Sir? » (Stearne). Les pendaisons rapportent beaucoup d’argent, on applique la loi et on suit la procédure certes, il suffit d’obtenir des aveux. Néanmoins, je m’attendais à voir couler beaucoup plus de sang, à de scènes de torture très dérangeantes. Il n’en est presque rien, heureusement ! Quant aux interrogatoires et condamnations, les méthodes suivies par Hopkins ne s’éloignent pas de données historiques. On assiste à des pendaisons, à des bûchers et au supplice de l’eau. Et c’est tout. Si je devais choisir la scène la plus violente du film, je n’hésiterais pas à décerner la médaille d’or à la scène finale : Richard qui achève à coup de hache Matthew Hopkins. Une fin qui m’en rappelle une autre... en effet, comme le fera Jean-Jacques Annaud pour Bernard Guy dans Le Nom de la Rose, le réalisateur de Witchfinder General a préféré, en décidant de faire mourir l’Inquisiteur sous le coup du mari outragé, la catharsis du spectateur à la vérité historique. Et c’est vrai que ça fait du bien. Enfin, je trouve la scène du bûcher dans le Nom de la Rose plus effrayante que celles proposées par Reeves. C’est plutôt le sadisme de l’assistant de Matthieu Hopkins qui dérange.

Le puritanisme et la guerre contribuent à la mise en scène de ce climat malsain saturant le film où les forces en lutte, d’un côté la pseudo-loi morale des défenseurs de l’ordre – les Puritains et les Witchfinders – et de l’autre les pseudo-fauteurs d’anarchie, de désordre et de chaos – les sorciers et sorcières, en vérité les opposants politiques, ou les personnages incommodes –, semblent trouver enfin un équilibre par la vengeance. The good kills the evil... mais cet équilibre est vite rompu par l’acharnement du jeune soldat sur le corps de l’Inquisiteur ; une fureur qui le transforme en bourreau. On voit bien que le cycle de violence ne s’arrête pas là, le bon soldat est le puritain en guerre qui rallume le flambeau du fanatisme. Malheureusement le film de Michael Reeves est sorti en 1968 et n’a pas pu profiter d’une bande originale appropriée... Black Sabbath et Paranoïd ne sortiront qu’en 1970. La new wave metal anglaise n’a pas encore accouché de The Number of the Beast et le seul groupe qui pourrait plus s’accorder au film, l’homonyme Witchfinder General (qui n’a sorti que deux albums connus pour leurs couvertures où une femme à moitié nue est torturée par les musiciens plongés dans un décor rappelant, si l’on veut, le film) arrivera bien plus tard, dans les années 1980. Tout cela pour dire que j’ai été un peu déçu par la musique du film : elle semble empruntée aux spaghetti western, surtout lorsqu’elle accompagne les courses poursuites à cheval dans les prairies anglaises du XVIIe siècle (on s’attend à ce qu’un cowboy surgisse soudainement des buissons pour tirer contre l’Inquisiteur... et d’ailleurs la scène tournée dans la taverne où se déroule la bagarre entre le jeune soldat et Stearne est digne d’un Bud Spencer et Terrence Hill).


A. Di Rosa
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La maison d’édition de DVD Artus Films spécialisée dans le cinéma bis, le cinéma d’exploitation et le cinéma européen vient de lancer une collection de livres consacrée au cinéma bis avec la sortie simultanée de Joe d’Amato, le réalisateur fantôme par Sébastien Gayraud et 20 ans de western européen par Alain Petit. Ecrivain et enseignant en cinéma, Sébastien Gayraud nous propose avec Joe d’Amato, le réalisateur fantôme une étude de plus de 300 pages avec photos (en couleurs) à l’appui consacrée à Joe d’Amato, un des réalisateurs les plus emblématiques du cinéma d’exploitation italien. Belle initiative puisqu’il n’existe aucun livre sur ce réalisateur en France. 20 ans de western européen constitue une des premières études françaises relative à ce magnifique genre et qui n’a malheureusement pas été éditée en son temps en format livre mais dans diverses fanzines. Artus nous offre la possibilité de pouvoir enfin découvrir cette étude dans un seul et unique ouvrage. Un DVD accompagne également ce livre.

On sait très bien qu’il est devenu très compliqué de nos jours de publier des livres sur le cinéma (sans parler du cinéma bis) et on ne peut que saluer cette courageuse initiative et espérer qu’elle perdurera ! Ceci dit, on attend avec impatience les deux ouvrages à paraître prochainement : Jesus Franco ou la prospérité du Bis par Alain Petit et Bruno Mattei, itinéraires Bis par David Didelot. Que du Bis en perspective !

Pour commander les ouvrages déjà parus : http://www.artusfilms.com/

Michel TABBAL
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Le Nom de la Rose (Der Name der Rose - le titre original est en allemand car il s’agirait d’une production allemande, de Jean-Jacques Annaud, 1986) s’invite dans le Blog cinéma bis et droit, non parce qu’il serait a priori considéré comme du cinéma bis, mais plutôt parce qu’il met en scène, aux marges de l’intrigue, et en arrière plan, un aspect du système juridique médiéval, celui de l’Inquisition chargée de défendre l’orthodoxie contre les hérésies. 

Que je sache, le film n’a pas été ignoré ni méprisé par les critiques ou autres instances de légitimation : il a gagné un César en 1987 et Sean Connery s’en est sorti avec un BAFTA. Tout d’abord, on ne peut pas nier son caractère populaire : le roman d’Umberto Eco (dont le film est tiré) a connu un énorme succès lors de sa sortie (enfin...il est difficile de savoir combien de lecteurs l’ont vraiment lu, extasiés par les digressions savantes du sémiologue italien), et le film a quand même attiré presque 5 millions de Français dans les salles en 1986[1]. Mais, d’une certaine manière, il pourrait respecter les critères de distinction du bis, et être accueilli dans cette grande famille. Son intrigue même pourrait, en forçant un peu la main, le faire rentrer dans la catégorie des films de genre. D’abord, il a un côté fantastique : on le trouve, évidemment, dans l’imaginaire particulièrement riche et à la limite grotesque des miniaturistes médiévaux bien représentés dans le scriptorium de la bibliothèque où l’on peut dessiner un âne lisant les Écritures aux évêques, dans les sculptures gotiques de l’Église dont Adso est particulièrement effrayé, mais aussi dans le récit d’Ubertino da Casale (William Hickey), qui voit le diable un peu partout. Puis, il a un côté érotique : inoubliable la scène de sexe sauvage entre Adso, l’adolescent encore puceau, et cette femme issue du bas peuple qui parasite l’abbaye et se nourrit de ses ordures, poussée à la limite de la bestialité, qui ne parle pas mais grogne, et rachète son plaisir par un cœur de veau ensanglanté. Enfin, il a un côté policier noir manifeste : comment ne pas être séduit par ce moine franciscain (Sean Connery) à l’allure british pop – il porte les mêmes lunettes que John Lennon et fait preuve de la même sagacité que Sherlock Holmes ? 

Le film est extrêmement efficace car, si l’on est plongé d’emblée au sein d’une communauté monastique de l’Italie du Nord de la première moitié du XIVe siècle (Adso raconte, au tout début du film, que les événements auxquels il a assistés se sont déroulés en 1327), avec ses règles et sa mentalité certes un tantinet arriérée, et travaillée par les changements intellectuels en cours, il garde sa fluidité et donne, en quelques images, des repères historiques et mêmes théologiques de base pour que le spectateur lambda ne s’égare pas. Le spectateur n’est pas forcement informé des problèmes que pose l’hérétique à l’Église, ni de l’enjeu des débats doctrinaux autour de questions qui nous feraient sourire aujourd’hui (mais je n’en suis pas si sûr). Ainsi, il n’a pas besoin de connaître le rôle des Dominicains dans la lutte à l’hérésie ou la prise de position des Franciscains sur la pauvreté, ou encore de savoir qui était un Dulcinianus ou de secta Dulcini, pour saisir l’intrigue et en être transporté jusqu’à la fin. Dès l’ouverture, l’image des bûchers encore fumants sur une colline suffit elle seule à annoncer le sombre spectacle de l’Inquisiteur, auquel assisteront les deux âmes solitaires qui traversent cette vallée terne et inquiétante que l’abbaye domine. Il suffit de montrer ses murs imposants, telle une forteresse, pour que le spectateur soit pris par des vertiges mystiques ; il suffit de suivre la camera sur la bibliothèque-labyrinthe pour être saisi de l’horror vacui du savoir, un abîme physique et spirituel. Puis, le film est très pédagogue car, sans rentrer dans les détails, il réussit à résumer tout le problème de l’hérésie dans la scène de l’assemblée en présence du légat du pape. Une seule question, celle posée par le Franciscain, permet d’illustrer synthétiquement et magistralement des années de disputes théologiques : « Le Christ possédait-il les habits qu’il portait ? ». L’Évangile est, en effet, un texte subversif, dans la mesure où il pourrait mettre en cause le pouvoir de l’Église. Expliquons-nous : nombreux textes du Nouveau Testament appellent à renoncer à la propriété et invitent clairement à la poursuite de la pauvreté (ex. Mathieu 19 :16-30, ou 6 :25-33). En 1318, à Marseille, dans la place du marché, quatre personnes avait été brûlées parce qu’elles avaient affirmé que la règle de saint François était la même que celle du Christ dans les Évangiles. En 1323, par la bulle Cum inter nonnullos, le pape Jean XII disposait que c’était une hérésie de défendre la pauvreté absolue du Christ. La secte de Dulciniani, à laquelle appartient le monstrueux Salvatore (Ron Perlman, qu’on a pu admirer en méchant dans Drive de Nicolas Winding Refn ou en superhéros dans Hellboy), revendiquait la liberté de mouvement et la pauvreté de premiers apôtres. Rien de méchant, apparemment. Sauf que leur attitude, peu tolérée par l’Église, sabordait son pouvoir politique (une Église pauvre n’a pas de pouvoir) et mettait en cause ses structures hiérarchiques. D’ailleurs, toujours dans la même scène de l’assemblée, le légat du pape (celui habillé en rouge) répond que la question n’est pas de savoir si le Christ était pauvre, mais si l’Église doit l’être... le vacarme des participants couvre le reste de la discussion et on n’a pas besoin d’en savoir plus.


L’Inquisition, telle qu’on nous la présente dans le film, a été mise en place par le pape Grégoire IX (1227-1241), qui a créé des Tribunaux de l’Inquisition et a conféré aux Dominicains l’exercice de l’inquisitio haereticae pravitatis (le pouvoir de poursuivre la dépravation hérétique). La procédure se déclenchait contre les hérétiques suite à la dénonciation des fidèles ou parce que des exploratores, sorte de policiers, étaient attirés par l’existence d’une rumeur publique. Cités devant l’Inquisiteur, les hérétiques connaissaient leurs charges mais ne pouvaient pas savoir qui les avait dénoncés. L’Inquisiteur consultait un “conseil” formé d’un certain nombre de personnes (entre 25 et 51) et puis il prononçait la sentence. La peine de mort – qui ne paraît être que la seule forme de punition dans le film – était exceptionnelle et il faut rappeler que les absolutions, à l’époque, étaient nombreuses. Mais le film passe mieux si l’on identifie tout de suite un bon et un méchant, et si l’on voit des innocents condamnés à mort sauvés in extremis par la grâce divine et les prières de Adso. 


L’Inquisition est parfaitement incarnée par Bernard Gui ou Guidonis (F. Murray Abraham, qu’on a vu récemment dans The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson). Il est le sinistre dominicain qui suscite la crainte des moines de l’abbaye et les doutes profonds de William of Baskerville (un grand Sean Connery qui, dans ce film, sauve les livres des flammes et méprise les pulsions sexuelles de son élève, le jeune Adso of Melk, un Christian Slater adolescent et bébête - il avait 16-17 ans au moment du tournage – dont vous remarquerez le sourire empreint de sottise, et la bouche souvent niaise devant son maître, entre la stupeur et l’incompréhension). Bernard Gui, né dans le Limousin vers 1261, frère dominicain, étudiant en théologie à Montpellier, est nommé Inquisiteur au siège de Toulouse en 1307 (rappelons que les Dominicains se sont livrés, dans le Sud-Ouest de la France, à des actions anti-hérétiques dignes d’un film d’horreur – un type, par exemple, avait décidé de déterrer un certain nombre des cadavres pour pouvoir enfin les brûler). Inquisiteur de 1307 à 1323, vir modestus atque sensatus ac humilitate profundus (loin donc du personnage qui inflige des supplices), il peut à juste titre être considéré un juriste parce qu’il a été juge, un juge très attaché aux détails, pointilleux et rigoureux dans l’application du droit (le juge, en somme, dont tout le monde rêve...). Il a rédigé un Liber sententiarum inquisitionis Tholosanae et une Practica officii inquisitionis heretice pravitatis (où il expose, dans une petite rubrique dépourvue d’éléments glauques ou croustillants, la procédure à suivre lorsqu’il s’agit d’interroger les sorcières et ceux qui invoquent le diable) ; des œuvres où il n’y a pas de véritable analyse juridique mais qui sont le résultat de l’effort pragmatique de l’homme de justice. Dans le film, comme il incarne le mal, il finit par mourir brutalement (ce qui ne correspond pas à la vérité historique mais peu importe, cela sert à produire un effet cathartique et le spectateur peut enfin être soulagé) dans le chaos qui tout engloutit et où tout se perd....à part l’amour. Et c’est là que ça fait mal, car ce n’est pas l’amour d’Adso pour la jeune sauvage qui survit à la catastrophe, mais celui de l’étudiant pour le savoir. Un exemple sans doute édifiant, certes un peu démodé et surement peu fun.


A. Di Rosa

[1] Source IMDB : http://www.imdb.com/title/tt0091605/business?ref_=tt_dt_bus.
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Voici quelques références bibliographiques françaises intéressantes en matière de cinéma bis : 


OUVRAGES

- AKNIN Laurent, Cinéma Bis, 50 ans de cinéma de quartier, édition nouveau monde, 2007 ; AKNIN Laurent, BALBO Lucas, Les classiques du cinéma Bis, édition nouveau monde, 2e éd. 2013 : Très réussi tant sur la forme que sur le fond, ces deux livres constituent parmi les meilleures références en matière de cinéma Bis. Le premier ouvrage se concentre sur les personnalités clés du cinéma bis (actrices, acteurs, réalisateurs, producteurs) et le deuxième sur les films clés de son univers tous genres confondus.


- AKNIN Lauren, Mythes et idéologie du cinéma américain, édition Vendémiaire, 2014 (2e éd. poche) : ouvrage traitant des effets de la période post-11 septembre et de la politique internationale américaine sur le cinéma de divertissement tel le film de zombies, de super-héros, de monstres ou de catastrophe. 

- BETAN Julien, Extrême ! Quand le cinéma dépasse les bornes, édition Bibliothèque des Mirroirs, 2012 : essai sur le lien ambigu entre le cinéma extrême (dont le cinéma d’exploitation) et l’attrait des spectateurs pour ces films. 

- BOURGEOIN Stéphane, MERIGEAU Pascal, Série B, édition Edilig, 1983 : livre de référence mais daté se focalisant sur les firmes pionnières en la matière avec divers entretiens.  


- FORESTIER François, 101 nanars, une anthologie du cinéma affligeant (mais hilarant), édition Denoël, 1996 ; FORESTIER François, Le retour de 101 nanars, une nouvelle anthologie du cinéma navrant (mais désopilant), édition Denoël, 1997 : Deux ouvrages cultes traitant avec finesse et humour de films considérés comme des nanars allant du pur cinéma de divertissement jusqu’au véritable cinéma d’auteur. Une réédition et une mise à jour est vivement attendue.



- GIMELO-MESPLOMB Frédéric (dir.), Le cinéma des années Reagan : Un modèle hollywoodien ?, édition nouveau monde, 2007 : Ouvrage collectif mettant en lumière les effets de la politique américaine du président Reagan sur le cinéma hollywoodien. Plusieurs genres composant le cinéma Bis sont passés au crible dont le cinéma d’action, le thriller érotique ou les films de guerre.

- KAHN François, Encyclopédie du cinéma ringard, Le films de bazar et d'essais, édition Grancher, 2004 : Sympathique ouvrage du cinéma dit ringard avec des entrées comme série Z, Jean-Claude Van Damme, femme méchante / femme gentille, Matrix, exotique ou même Delon contre Belmondo.

- LACHAUD Maxime, Redneck movies : Ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain, édition Rouge profond, octobre 2014 : Ouvrage colossal traitant du cinéma redneck américain, son contexte socio-historique composante phare du cinéma d’exploitation (appelé hixploitation) en s'attardant longuement sur son âge d'or (années 1970). 



- PUTTERS Jean-Pierre, Mad Movies, Mad... ma vie !, édition Rouge profond, 2012 : mémoires agrémentés de photos et d’excellente anecdotes du fondateur de la mythique revue de cinéma de genre toujours en vente Mad Movies. 

- PUTTERS Jean-Pierre, Ze Craignos Monsters, éditions Vents d'Ouest, 1991 ; Ze craignos monsters : le retour, éditions Vents d'Ouest, 1995 ; Ze craignos monsters : le re-retour, éditions Vents d'Ouest, 1998 ; Ze Craignos Monsters Le retour du fils de la vengeance, éditions Vents d'Ouest, 2014 : Mythique trilogie devenue un objet de collection avec une récente parution. Une référence également pour le cinéma Bis.



- SEVEON Julien, Blaxpoitation : 70's soul fever !, édition bazaar&Co, Collection : Cinexploitation, bazaar&Co, 2008 : Malheureusement introuvable de nos jours et malgré ses diverses coquilles et fautes de frappe, l’ouvrage de Julien Sévéon est une excellente et passionnante étude sur la Blaxploitation qui démontre clairement la corrélation entre ce cinéma  et le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis.

TESSON Charles, Photogénie de la Série B, édition Cahier du cinéma, 1997: Pour concilier certains cinéphiles classiques et montrer que même Les Cahiers du cinéma s’attaque à la série B en nous offrant un « beau livre » sur la question.



REVUES ET FANZINES

- Mad Movies, Hors-série, Grindhouse Dans les veines du cinéma d'exploitation, N° 11, 2007 : Ce (très) bon hors-série (parmi tant d’autres publiés par Mad Movies) mérite amplement une édition en livre. Remontant jusqu’aux origines, il traite successivement du cinéma d'exploitation et notamment de la Sexploitation, le Shock and Horror, la Blaxploitation et le Kungfuxploitation. 

Revues à parution périodique
- L’écran fantastique : http://www.ecranfantastique.net/home/
- Fangoria : http://www.fangoria.com/
- Rue Morgue : http://www.rue-morgue.com/ 

Fanzines à parution périodique
- Ecran Bis: www.ecranbis.com/
- Toutes les couleurs du Bis: http://touteslescouleursdubis.blogspot.fr/
- Vidéotopsie: http://videotopsie.blogspot.fr/

Anciennes revues 

- Fantastyka
- Impact
- Métaluna
- Midi Minuit Fantastique (des ouvrages regroupant les anciens numéros sont édités chez Rouge profond) 
- Starfix
- Toxic
- Vidéo 7
















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